D'origine protestante, frère Roger Schutz s'est, au cours des années, rapproché de Rome et de la foi catholique, prenant ses distances avec la Fédération protestante de France et plus encore avec l’ecclésiologie protestante, se prononçant notamment en faveur du célibat des prêtres et d’un ministère universel du pape[1]. En 198, lors d’une rencontre européenne de jeunes à Rome, en présence du pape Jean-Paul II, il affirma publiquement en ces termes, dans la basilique Saint-Pierre : « J’ai trouvé ma propre identité de chrétien en réconciliant en moi-même la foi de mes origines avec le mystère de la foi catholique, sans rupture de communion avec quiconque. »[2]
Cette évolution et, plus encore, la révélation de l’ordination comme prêtre catholique du frère Max Thurian en 1987, restée cachée pendant un an, ont semé le doute et provoqué de fortes tensions avec le protestantisme français. L'affaire Max Thurian « demeure une blessure, voire un traumatisme indépassable » pour certains protestants français qui « considèrent que Taizé s’est définitivement catholicisé » et ne peut plus être un « moteur de l’œcuménisme »[3].
Jean-Claude Escaffit et Moïz Rasiwala rapportent[4], par ailleurs, le « trouble profond » ressenti par le fondateur de Taizé en apprenant l'ordination au sacerdoce catholique de Max Thurian, qui lui aurait été annoncée par lettre une semaine après, dans la perspective des conséquences désastreuses que cela pouvait avoir sur les relations œcuméniques. Par ailleurs, les auteurs affirment que Frère Roger, « à l'instar de tous les frères de Taizé », quelle que soit leur confession, communiait ouvertement et officiellement à l'eucharistie catholique, depuis 1972, date de l'engagement du premier frère catholique dans la communauté.
En 26, l'historien Yves Chiron, proche des catholiques traditionalistes, a affirmé qu'il se serait converti au catholicisme en 1972 en compagnie de son bras droit, Max Thurian, et la profession de foi catholique aurait été reçue alors par l'évêque d'Autun, Mgr Armand Le Bourgeois, sans que cela soit annoncé publiquement[5]. Ceci a été démenti par frère Alois, successeur de frère Roger. Celui-ci explique qu'il n'y a pas de conversion à proprement parler ni de rupture avec ses origines mais un une volonté de rapprochement[6] tandis que le pasteur Gill Daudé, responsable du service des relations œcuméniques de la Fédération protestante de France parle lui de démarche de dépassement des clivages confessionnels[7]. Mgr Gérard Daucourt, membre du Conseil pontifical pour l'unité des chrétiens, indique pour sa part que frère Roger n'a pas triché « en cachant une conversion au catholicisme au sens où on l’entend habituellement ». Il « partageait la foi catholique dans le ministère et dans l’Eucharistie », « il vénérait la Vierge Marie » et espérait « une proche restauration de l’unité visible entre tous les chrétiens », mais en voulant « vivre cela sans rupture avec quiconque »[8],[9].
# ↑ Selon Yves Chiron qui écrit : « Ce « passage », cette conversion, se firent en 1972, dans la chapelle de l’évêché d’Autun, diocèse où se trouve Taizé. Il y eut profession de la foi catholique puis communion des mains de Mgr Le Bourgeois. », puis ajoute : « Aucun acte écrit ne reste, semble-t-il, de cet événement mais Frère Roger a donné le témoignage oral de cette adhésion à la Foi catholique au successeur de Mgr Le Bourgeois, Mgr Raymond Séguy. » Cf. L’abjuration du Pasteur Sten Sandmarket la conversion du Pasteur Roger Schutz par Yves Chiron [archive], in Aletheia n° 95, 1/8/26. La nouvelle fut largement reprise dans la presse et notamment dans Le Monde du 6/9/26 qui rapportait : « Mon prédécesseur, Mgr Armand Le Bourgeois, m'a affirmé qu'il avait bien reçu sa profession de foi catholique, en 1972, dans la chapelle de l'évêché d'Autun, et qu'il lui avait ensuite donné la communion, a répété au Monde Mgr Séguy. » Mgr Séguy, refusant le terme de « conversion », ajoutera ensuite à l’AFP : « Je n’ai pas dit que frère Roger avait abjuré le protestantisme, mais il a manifesté qu’il adhérait pleinement à la foi catholique. » Cf. La communauté de Taizé explique la démarche de frère Roger [archive].
Dans un ouvrage paru en 28, Yves Chiron ne parle plus de conversion en 1972 ni pour frère Roger ni pour Max Thurian. Cf. Yves Chiron, Frère Roger, Fondateur de Taizé, Perrin, (28), p. 269 à 271 et 342 à 344.
# ↑ Cf. Les catholiques revendiquent frère Roger [archive], in Le Figaro, 6/9/26 : d'après frère Alois, frère Roger « a accompli en 1972 une démarche qui n'a pas de précédent depuis la Réforme : entrer en « communion » avec l'Église catholique sans une « conversion » impliquant une rupture avec ses origines ». Dans le journal La Croix du 6/9/26, frère Alois répond à la question : « Que s’est-il exactement passé en 1972 dans la chapelle de l’évêché d’Autun ? » par : « En 1972, l’évêque d’Autun de l’époque, Mgr Armand Le Bourgeois, lui a donné la communion pour la première fois tout simplement, sans lui demander d’autre profession de foi que le Credo récité lors de l’eucharistie, et qui est commun à tous les chrétiens. Plusieurs témoins étaient présents, trois de mes frères, un couple ami, ils peuvent l’attester. » Cf. Frère Roger a fait une démarche œcuménique tout à fait nouvelle [archive], interview par Jean-Marie Guénois.
# ↑ Cité par Henrik Lindell, dans Quand Le Monde « convertit » frère Roger [archive], sur le site témoin.com, 21/9/26.
# ↑ Cf. La démarche œcuménique de Frère Roger [archive]. Mgr Daucourt précise de plus : « Dans ses documents officiels, pour les personnes déjà baptisées, l’Église catholique ne parle pas de conversion au catholicisme mais d’admission à la pleine communion dans l’Église catholique. Plusieurs formes sont possibles pour accomplir cette démarche, mais dans tous les cas, elle comporte un document écrit et signé. Aucun document de ce genre n’existe concernant Frère Roger »
# ↑ Voir aussi à ce propos l'entretien avec le cardinal Walter Kasper dans L'Osservatore Romano, 15/8/28 : Roger Schutz, il monaco simbolo dell’ecumenismo, traduction française dans La Documentation catholique, n° 2415, 4/1/29 (Frère Roger, symbole de l'œcuménisme spirituel)
http://fr.wikipedia.org/wiki/Frere_Roger